60ème numéro de la revue Correspondances géopoétiques !
Début décembre 2018, j’ai eu l’immense bonheur (je vous assure) de pouvoir offrir mes poèmes dans un recueil que j’ai intitulé « des poèmes pour se tenir bien au chaud ». C’était la première fois que mes poèmes allaient être lus et ils allaient être lus par des personnes sans-abri, j’ai attrapé un choc au cœur ! Alors dès janvier 2019, je prends l’engagement pour tenir le tempo de vous envoyer par mois un poème accompagné d’une lettre et ce en vue d’offrir le recueil complet aux personnes sans abri de la Ville du Mans en 2019, 100 exemplaires sont édités dont 50 offerts par intermédiaire de l’opération SAKADO de l’ADMR, le SAMU social, la Croix Rouge et l’opération « un toit, un regard, un sourire » et le bonheur m’emporte à nouveau, d’autant que je réalise que si je poursuis cet engagement tous les ans, sachant que chaque mois dispose de 30 à 31 jours, 30 années de bonheur me sont offertes. Ce n’est donc que le début. En somme. Comment résister ? Ce texte est un extrait de la 12ème correspondances. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous présenter les 60 couvertures des 60 numéros ! Vous les retrouverez sur mon site.
Nous avons souhaité l’année 2024, année d’espérance. Nous avons ouvert grand nos bras et laisser le monde nous traverser. Nous avons éveillé tout rond nos cosmogonies. Nous avons préservé les indispensables planctons et les odeurs des livres. Nous avons évité les piqûres d’insectes sous nos peaux et la haine sous nos poils. Nous avons applaudi nos diversités sous les urnes. Nous avons respecté nos espaces de bontés car c’est correc’ ! Nous avons levé la coupe ! La poésie vaincra avec nos enfantements !
Tout, dans ce monde va dans cette direction ; vers un monde de poésie. Un monde qui se défait et qui déchante est un monde de poésie. C’est un monde qui a besoin de toute l’humanité entière pour se bâtir, se renouveler, se réinventer, de résistances en résistances !
La poésie se cache dans les misères et les beautés du monde. La poésie est partout, tellement partout. Elle est en nous, en chacun de nous. Ecoutez la votre, écoutez celle de votre voisin, de vos proches. Chacun chante sa propre poésie du monde. La poésie nous relève. Les baleines nous redressent. Je ne peux résister en hommage à Paul Watson, de vous proposer à nouveau le poème sur les baleines “Nous les gens de la Terre” paru dans mon dernier recueil. La poésie nous redresse comme celle de Calypso Anthoine, écrite à l’encre d’une nuit, édité également chez La Plume de Léonie.
Avec toutes mes meilleures pensées à Gisèle Pelicot, à Paul Watson et aux habitants de Mayotte, d’Ukraine, de Russie et de Syrie, et tous les pays en détresse, à toutes les baleines que nous sommes, que 2025 nous redresse hauts et forts plus encore.
A l’année prochaine, tous les 25 de chaque mois en vous abonnant à cette newletter.
Poème
NOUS LES GENS DE LA TERRE - Nathalie Buchot
Un jour nous serons
Un jour nous serons sans fenêtres
sans portes sans murs
Un jour nous serons des animaux
Un jour nous serons des animaux sauvages sans âge
Un jour nous serons sauvés
Un jour nous serons des animaux
Un jour nous serons inoffensifs
Nous, les gens de la Terre, nous sommes des bolides. Nous sommes des baleines. Nous chantons, nous vrombissons. Nos échos tombent dans le clapotis de l’eau et dans le gras des marées noires. Et nous nous sauvons. Et nous nous massacrons laissant orphelins et enfants dans l’océan de nos vies primaires. Nous, loin rugissant de la Terre qui craque, qui se modèle et qui recrache. Nous sommes les baleines d’antan et les baleines tout autour de la Terre. Nous sommes le présent de tous les temps futurs et dépassés. Nous sommes Un. Nous sommes chacun. Nous sommes séparés de l’un et de l’autre — à l’écocide, l’altéricide. On pleure et on gémit de nos jadis manques d’ardeur. Notre transhumance est à peine démarrée. La Terre craque et vomit. Surgir de la Terre, surgir du feu et de l’eau. Les étoiles pleurent elles aussi. Le monde demeure à tout jamais un chant, un son, une note. La mélodie est sortie de son lit et de son berceau d’enfant. Les ventres et les lits se sont défaits. Trop froissés, trop plissés, trop pliés dans le froid des nuits sans étoiles. La Lune a disparu de l’autre côté. Elle court après le Soleil qui, lui, court après elle. Alors, les hommes et les femmes, les gens de la Terre courent, eux aussi. De la Terre, reste le chant des baleines qui vous enseigne le reste d’une langue sans mots, sans lettres, sans grammaires, une langue première, une langue universelle. Nous sommes des baleines mais nous ne le savons pas. Un jour, nous serons des baleines mais nous ne le saurons pas. Alors, on écrit des poèmes. Les poètes sont des baleines ; massacrées. Ils retiennent les mots de la langue du dedans et de la langue du dehors, la langue du monde et des mondes. Les poètes et les baleines sont l’intime et l’extime du monde, ils sont les êtres de l’extime. Je suis de ces êtres-là.
Et je vais suivre
Et je vais
Et je vais survivre
Et je vais
Et je vais vivre
Et je vais
Et je vais
Alors viens !
publié dans Nous les gens de la Terre, La plume de Léonie, 2023.
J’ai vieilli
J’ai vieilli et j’ai appris
J’ai appris
Les larmes derrière mes sourires
la douceur derrière ma vigueur
l’élégance derrière ma distance
L’intensité derrière ma légéreté
Maintenant je suis aussi
De celles qui pleurent afin de lâcher
de celles qui ralentissent pour mieux affronter
de celles qui écoutent avant de crier
J’espère être
de celles qui acceptent de tomber
de celles qui trouvent la force de se relever
“ Trouvez-nous une baleine qui désapprouve nos actions et on vous promet de raccrocher ! ” Paul Waston.