Revue Correspondances géopoétiques
Ce matin, contre vent et pluie, j’ai philosophé, chaussée de mes bottes de ferme, avec des élèves du lycée Agricole La Germinière de Rouillon. Nous avions le temps idéal pour marcher et écrire nos propres pensées dans notre tête.
Marcher en silence, en écoutant ce qui nous entoure, ce que nous traversons, ce qui nous traverse surtout. Marcher dans l’écoute du monde, à la manière d’Arthur Schoppenhauer, avec la volonté de se représenter le monde, avec la vue et les couleurs du monde de ce matin fort pluvieux.
La discussion philosophique et démocratique débuté par un constat. L’horizon est sobre, triste, monotone. Nous sommes tous habillés pareils, les maisons sont toutes de la même couleur, couleur papier toilette gris ou rose. les verts sont tous du même vert et le ciel est du même gris. Aucune nuance, aucune différence. Pourquoi sommes-nous tous pareils ? Marcher pour écouter les bruits : l’oiseau sifflant sur sa branche mouillée, le camion roulant nous éfflanquant d’une eau du ciel à peine tombée, le son de la pluie sur la bâche d’un parterre attendant son printemps fleuri ou arboré. Marcher dans la boue, c’est régressif. On s’imagine petit, on s’imagine en Amazonie ou sur des pistes de ski. On glisse, on se rattrape, on rit sous la pluie. On marche dans le ruisseau tonitruant, les terres sont trempées.
La vie a-t-elle un sens ou doit-on donner à la vie un sens ? Y’a-t’il d’autres raisons pratiques pour habiter en ville ? Nous avons traversé une cité pavillonnaire. Que font les gens qui habitent ici quand ils ne sont pas chez eux ?
On rassemble nos observations et nos étonnements fait en chemin et habit de pluie pour construire une seule question philosophique.
Pourquoi être semblables ? Les premières hypothèses émergent : pour éviter d’être exclu, pour se fondre dans la masse, pour être en sécurité, pour être apprécié, pour avoir une bonne image de soi et des autres, pour passer inaperçu. Mais alors que faire quand quelqu’un de différent arrive dans notre groupe, l’acceptons-nous même s’il est différent de nous ? Qu’est-ce qu’être semblable ? On tente la définition de ce concept. S’il a de l’humour, je l’accepte, s’il n’est pas stupide, je l’accepte. S’il ne me harcèle pas, je l’accepte. S’il ne change pas le groupe, je l’accepte. Un élève tente alors une problématisation. On sait que l’humain n’aime pas le changement seulement rester toujours avec les mêmes que soi, on peut s’enfermer dans la façon de voir le monde. On se rend compte alors que la différence peut attirer autant qu’elle fait peur. Avez-vous un exemple de quelqu’un qui n’aime pas la différence et qui peut changer un groupe de personnes, qui change le monde ? Trump est cité. Il ne veut pas que l’on soit semblable. Il se moque des autres et les humilie, ce qui l’intéresse, c’est l’argent, le pouvoir et le garder pour lui. Il ne respecte rien, ni personne. Un élève suggère que c’est aussi une question de construction identitaire. L’important, ce n’est pas d’être semblable mais celle de respecter son identité et de la faire grandir ensemble ! Cette proposition remporte l’unaminité et nous acceptons cette conclusion.
C’était un atelier de découverte philosophique. Le temps pluvieux, la traversée de la cité pavillonnaire, nos tenues de pluie identiques ont très certainement façonnée la question. Je me demande si un jour de juin, nous aurions la même question !
Dans ma correspondance de janvier, je vous avais annoncé que cette année, nous allons ensemble découvrir les poètes de l’extime, de celles et ceux que j’ai rencontré au Québec au mois de septembre dernier et de celles et ceux que je côtoie à la Plume de Léonie, maison d’édition à Sillé-le-Guillaume. Nous traverserons terres et océans et voguerons près des lacs et forêts.
J’ai le plaisir de vous inviter à lire en cette actualité tonitruante mondiale et en cette période de salon de l’agriculture, accompagnées de l’extrait de mon poème “Nous les gens de la terre”, le recueil d’Aurélie Olivier, née à Trégrom, en Bretagne qui nous écrit “J’ai vécu 18 ans à l’intérieur d’une ferme, j’ai vécu 18 ans à l’extérieur d’une ferme, j’ai la majorité des deux cotés, j’en ai assez des deux cotés”. Elle est une poète de l’extime. Elle nous fait du part d’un monde géopolitique intime, celui de l’agriculture, de son vécu de fille de ferme et du monde. Je me sens si près d’elle. Vous pouvez retrouver les poèmes sur mon site ou télécharger la revue Correspondances géopoétiques.
Je vous souhaite pleins de points étoiles ainsi qu’à nos fermes.